....l'homme est un loup pour l'homme ...
Parqués dans l'entrepont comme des animaux,
Dans la chaleur épaisse des mers tropicales,
Allongés dans le noir, ceux du fond de la cale,
Croupissent dans le vomi de ceux qui sont plus haut !
Le temps est suspendu, quand dans le pot-au-noir,
Le vent ne cale plus le navire qui roule,
Ses vergues pendulantes au rythme de la houle,
Grincements des espars berçant leur désespoir !
Et puis le temps s'emballe lorsque dans l'ouragan
L'eau ruisselle et s'engouffre à travers la claire-voie,
Dans cette humidité où s'installe le froid,
Le prisonnier, de fièvre, frissonne sur son banc.
Chaque jour qui passe l'entraîne loin de l'Afrique,
Adieu ! sa savane aux multiples ressources
Pour la faim le gibier, pour la soif la source,
Pour l'amour ses femmes, dans la hutte conique !
De ce voyage là on ne peut revenir,
On sait bien que là-haut jamais le vent s'inverse
Voyage à sens unique, entrecoupé d'averses:
Il pleut sur son passé, noyant ses souvenirs.
Leurs chefs les ont vendus pour de la pacotille
Puis vendus à leur tour par des chefs plus puissants,
Iront grossir la foule de tous ces innocents,
Ceux qui croupissent là, au fond des écoutilles !
Péché contre l'espèce, l'homme asservissant l'homme.
Trafic triangulaire, fortune des armateurs,
Richesse de la Louisiane, des colonisateurs,
Qui firent de leur semblable une bête de somme !
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Bouteille à la mer, et que je lance au soir
De ma vie. Peut être, s'échouera, au rivage
Virtuel de l'Histoire, pour porter témoignage.
Pour que l'on se souvienne de la traite des noirs !
Bobi 05.08.